La paralysie actuelle d’une partie de l’économie que provoquent les mesures destinées à combattre la propagation du coronavirus entraîne immanquablement des conséquences sur les projets en cours d’acquisition immobilière.

Le Cabinet Denis REBUFAT & ASSOCIES avocats aux barreaux de Marseille et d’Aix-en-Provence vous propose une revue de l’impact d’une telle crise sur votre projet et des options qui s’offrent à vous.

La loi promulguant l’état d’urgence sanitaire a permis au gouvernement de prendre des ordonnances dans divers domaines, dont certaines ont des conséquences sur les ventes immobilières.

1) La conclusion du compromis

La grande majorité des ventes immobilières sont précédées d’une promesse de vente, qu’elle soit unilatérale ou qu’elle concerne les deux parties (on parle alors de promesse synallagmatique ou « compromis »), ceci afin de permettre au futur acquéreur de contracter un prêt pour financer son achat, de vendre son logement actuel ou en cas de préemption par la commune.

Les mesures nouvellement prises impactent les ventes à divers niveaux :

– le délai de rétractation :

Conformément aux dispositions de l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020, le délai de rétractation de 10 jours accordé à l’acquéreur n’est pas modifié. Il s’écoule à compter de la réception de l’acte par courrier recommandé, peu importe la période juridiquement protégée.

– l’offre de prêt :

Une condition suspensive relative à l’obtention du prêt peut être intégrée au compromis ; un délai minimum d’un mois est laissé à l’acquéreur pour obtenir son offre de prêt.

Une assurance de prêt est également habituellement exigée par l’organisme prêteur ; cependant l’emprunteur a la possibilité de l’obtenir auprès d’un organisme différent, sous réserve que ses conditions de couverture soient acceptées par l’établissement prêteur.

La grande majorité des banques suspendent actuellement l’acceptation de nouvelles demandes de prêt et se focalisent sur le traitement des dossiers en cours. Les délais de traitement sont également rallongés du fait de la réorganisation interne des établissements bancaires et de la réduction de leurs effectifs.

Enfin il conviendra de tenir compte du délai de validité de l’offre émise par la banque ; en effet, dans la mesure où la réitération ne pourrait avoir lieu dans ce délai, il sera nécessaire de s’accorder avec l’établissement bancaire afin d’obtenir la prorogation de l’offre.

Certaines banques prorogent d’office leur offre de prêt, celles-ci étant valables 90 jours au lieu de 30 jours.

Si les circonstances du confinement ne permettent pas au futur acquéreur d’obtenir une offre ferme de prêt de la part de sa banque, il est toujours possible de s’accorder avec le vendeur afin d’obtenir une prorogation du terme de la promesse : soit par un acte simple transféré et signé entre les parties par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), soit par un avenant de prorogation établi par le notaire et signé par les parties.

Dans l’hypothèse où l’une ou l’autre des parties entendrait révoquer unilatéralement la promesse avant son terme, l’autre partie pourra exiger la constatation judiciaire de la vente.

– le droit de préemption urbain :

Une fois le compromis ou la promesse de vente signée, le notaire doit transmettre la déclaration d’intention d’aliéner à la mairie du lieu de l’immeuble, qui dispose alors d’un délai de deux mois pour indiquer si elle entend bénéficier ou pas de son droit de préemption.

Dans ce cas, le délai est suspendu durant la période d’urgence sanitaire, et reprend à compter de la fin de cette période pour la durée restant à courir.

Par exemple, une DIA déposée le 12 février est suspendue à compter du 12 mars et reprend à compter du 25 mai pour le délai restant à courir.

En revanche, une DIA reçue en mairie durant la période d’urgence sanitaire, ne verra son délai d’instruction débuter seulement à compter de la fin de la période d’urgence sanitaire.

2) L’offre de vente ou d’achat

Alternativement au mécanisme du compromis (et si un crédit n’est pas nécessaire à l’acquisition), il est possible pour le vendeur ou l’acheteur d’émettre unilatéralement une offre ferme de contracter, à condition qu’elle fixe le prix (ou, à défaut les modalités de sa détermination) et qu’elle détermine suffisamment le bien vendu. Cette offre peut être assortie ou non d’une date butoir pour son acceptation.

Dès lors que l’autre partie accepte l’offre, le contrat de vente est réputé conclu. Si l’offrant se rétracte après l’acceptation par le bénéficiaire de l’offre, alors il sera possible de saisir le juge pour réaliser judiciairement la vente.

En revanche, dans l’hypothèse où la partie à l’origine de l’offre se rétracte avant l’acceptation il ne sera pas possible de l’obliger à vendre/acheter le bien.

Dans ce contexte, quelle sont les conséquences éventuelles de la rétractation d’une offre émise avant les mesures de confinement ?

En effet, si la rétractation du vendeur du bien est peu probable, celle du potentiel acquéreur peut être envisagée, compte tenu notamment des incidences éventuelles sur son pouvoir d’achat.

Si l’offre n’a pas encore été acceptée lors de la rétractation et sans respecter le délai imparti (ou, à défaut, un délai « raisonnable »), alors la partie qui se rétracte sera susceptible de devoir verser des dommages et intérêts mais sans qu’elle ne soit tenue de vendre/acheter le bien, et dans la mesure où le bénéficiaire de l’offre pourra démontrer qu’il a subi un préjudice.

Dans l’hypothèse où l’offre a été acceptée, alors le contrat de vente est réputé conclu.

L’acquéreur dispose cependant d’un délai de réflexion de dix jours, pendant lequel il est en mesure de se rétracter librement.

Au-delà de ce délai, il serait possible de se prévaloir du mécanisme de l’imprévision si :

– d’une part, le changement dans les circonstances était imprévisible lors de l’acceptation de la promesse, et

– d’autre part, les conséquences de la pandémie rend le contrat « excessivement onéreux » pour la partie qui s’en prévaut.

Si ces conditions sont réunies, l’acquéreur peut demander à la juridiction qu’il saisirait une révision du contrat ou sa résiliation. Faute d’accord entre les parties, le juge peut soit imposer la révision du contrat, soit en prononcer la résiliation aux conditions qu’il détermine.

3) La réitération du contrat de vente

Qu’il s’agisse d’un compromis, d’une promesse ou d’une offre de vente, le délai de validité dudit acte est en quelque sorte prorogé.

En effet, durant la période juridiquement protégée, tout acte qui aurait dû être accompli, notamment à peine de déchéance ou caducité, sera réputé avoir été fait à temps, s’il a été fait pendant une période qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Ainsi, le vendeur ne peut s’estimer délié du contrat si l’acquéreur n’a pas obtenu son prêt dans le délai initialement imparti ou si l’acte n’a pas été signé dans le délai initial.

Le délai de validité de la promesse ou acte signé peut donc être prorogé jusqu’au 25 juillet 2020.

Toutefois, l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 a ajouté une possibilité de saisir le juge pour modifier ces mesures ou y mettre un terme si les circonstances le justifient.

En effet, ces mesures peuvent dans certains cas encourager l’inaction de l’acquéreur et nuire au vendeur, lequel se trouverait lié jusqu’au 25 juillet.

Mais, ces dispositions n’empêchent pas les dossiers de se poursuivre plus rapidement, voire d’être signés.

En l’absence de compromis, un délai de réflexion de dix jours demeure.

Comme indiqué supra, les études de notaires ne sont pas autorisées à recevoir du public pendant la période actuelle de confinement, interdisant de facto l’organisation d’un rendez-vous pour la réitération du contrat de vente.

Il est théoriquement possible de mettre en place une signature électronique à distance si l’étude notariale est dotée de l’installation adéquate.

Cela nécessite cependant la mise en place préalable d’une procuration à un clerc de l’étude afin d’éviter de s’y rendre.

Il est à noter qu’une telle possibilité est désormais étendue aux acquisitions d’immobilier neuf, et notamment la vente en état futur d’achèvement : un nouveau décret entré en application depuis le 3 avril 2020 et valide jusqu’à un mois après la fin de la période d’état d’urgence sanitaire autorise en effet le notaire instrumentaire à établir un acte notarié sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées.

L’organisation du déménagement risque également d’être fortement perturbée : outre que le gouvernement recommande fortement de le décaler à la fin de la période de confinement, un nombre maximal de cinq personnes est autorisé pour le réaliser, tous munis d’une attestation.

L’activité des déménageurs professionnels se déroule également au ralenti : par un courrier en date du 1er avril 2020, le ministre chargé de la Ville et du Logement a entendu restreindre cette activité aux déménagements relevant « d’urgences sanitaires, sociales ou de péril, de déménagements indispensables d’entreprises et de déménagements qui pourraient être rendus nécessaires dans le cadre de l’organisation des soins face à l’épidémie. »

Enfin, si le vendeur occupe encore les lieux au jour de la signature et que la période de confinement est toujours en cours, il sera fondé à invoquer la force majeure pour y demeurer jusqu’à la levée des mesures. Il devra cependant s’acquitter d’une indemnité d’occupation jusqu’à libération des lieux et transfert des clés, montant qu’il conviendra de déterminer d’un commun accord entre les parties.

 

Le Cabinet Denis REBUFAT & ASSOCIES, avocats aux barreaux de Marseille et d’Aix-en-Provence en droit immobilier reste à votre disposition pour toute précision complémentaire.